Publié dans Théories et formations ABA

RDI : Développer la relation d’interaction avec son enfant atypique.

Depuis ma formation et mes recherches sur le RDI, de nombreux collègues me demandent en quoi cela consiste, ce que ça apporte, comment travailler cela concrètement, et ce que j’en pense globalement ….

 

Pour commencer, 

La mise en place intensive du RDI dans une famille avec laquelle je travaille a permis de superbes progrès. Beaucoup de personnes « extérieures » ont constaté qu’il était plus attentif, regardait plus l’autre, était plus présent, ..
Personnellement, j’ai été plusieurs fois surprise en séance par de « petites choses » très surprenantes quand on a l’habitude de  travailler avec ces enfants : l’enfant qui me maintient SPONTANEMENT un tampon encreur qui colle à la face du tampon, l’enfant qui me tend directement un stylo lorsque je balais du regard le bureau à la recherche de quelque chose pour écrire, ce même enfant qui branche la prise de mon chargeur quand il voit que je regarde le bas du mur, ce jeune qui me ramasse un jeu tombé de mon sac dans l’escalier alors que j’ai les mains pleines, …. 
Evidemment, toutes ces actions, l’enfant en question est complètement capable de les réaliser, ce qui est GENIAL, c’est qu’il le fasse spontanément, en déduisant de son environnement la tâche à accomplir !! 
Réellement, cet enfant a été métamorphosé par la mise en place par ses parents de ces tâches RDI.

 

Voici un point théorique sur ce qui me semble important. Attention néanmoins, ce n’est que mon interprétation et en rien un support «générique» : il s’agit de mon avis, qui vaut ce qu’il vaut !  😉

Les quelques bases théoriques que je relate ici sont issues de :

– RDI connect (site internet du Dr Gutstein et son équipe)
– Caroline Peters (formation RDI 2021)
– Lynda Murphy (RDI consultant depuis 2007)
– The RDI book de S. Gutstein : livre fondateur qui n’a pas (encore) été traduit en Français mais qui est accessible et très intéressant.

Les bases du RDI

Qu’est-ce que le RDI et quel est l’objectif du RDI ?
– RDI = Relationship Development Interaction
– Cette appellation est protégée : il faut suivre une formation, être supervisé et «cotiser» à l’organisme de formation pour obtenir son habilitation RDI consultant®.
– Ce programme a été développé pour les parents, par le Dr Gutstein.
– C’est un programme qui vise à (r)établir un lien social authentique et durable.

L’enfant doit : avoir un rôle dans l’interaction, faire sa part pour le maintenir et donc co-réguler, coordonner, collaborer.

Pourquoi je trouve que ça peut être chouette ?

– Avec le handicap, il y a une altération profonde du lien parents-enfant. Il devient malheureusement souvent «moins voire non-renforçant » à cause notamment de nombreuses extinctions de tentatives de communication de la part de l’un ou l’autre, de la difficulté dans l’échange, etc , …
– Parce qu’on peut « casser » cet élan avec ABA. L’ABA étant très structurée, surtout avec les petits niveaux, les séances sont en général cadrées, avec un contrôle instructionnel bien en place et de ce fait, cela peut éteindre les initiatives de l’enfant.
– Car, comme le précisait Caroline Peters dans sa formation sur le RDI, on observe que le social reste tjs déficitaire dans les vb-mapp
– Car l’enfant est souvent exclu des temps de tâches authentiques : il est donc «non participant » dans les activités de quotidiennes de propreté et rangement de la maison.
– Parce qu’on oublie de s’amuser nous … (tenter de trouver des activités qui soient aussi plaisante pour l’adulte tout en restant dans le partage de la même activité)

Historique :

Le RDI a été développé par Steven Gutstein et sa femme Sheely qui fondent en 1995 un centre RDI aux EU. Steven G. écrit notamment le RDI Book.

Le principe de base selon S. Gutstein :

D’après lui, il y a une « pièce manquante du puzzle pour les enfants avec autisme » qu’il appelle « dynamic intelligence » (= « l’intelligence fluide »).

L’intelligence fluide comprend :

  • Emotional Referencing : Apprendre des expériences émotionnelles des autres
  • Social Coordination : Observer l’autre et réguler son propre comportement pour participer dans les relations sociales
  • Declarative language : Utiliser la communication non-verbale pour exprimer la curiosité, pour partager des perceptions et inviter l’autre à interagir
  • Flexible thinking : Adapter, changer et modifier ses propres stratégies en fonctions des contextes
  • Relational Information Processing : (=Le traitement de l’information relationnel) C’est-à-dire, pouvoir résoudre des problèmes sans bonne réponse a priori, des problèmes qui sont ouverts avec des solutions infinies.
  • Foresight and hindsight : Traiter la prévisibilité, l’anticipation ainsi que la capacité à faire le point sur les expériences vécues et passées pour en tirer des conclusions.

OBJECTIFS de travail du RDI :

Le RDI est donc une intervention basée sur :

  • Une (re-)relation à destination des parents
  • La (re-)découverte du plaisir d’être en connexion
  • Des changements engendrés au niveau neurologique (on sait que les transmissions entre la zone pré-frontale (executif) et le système limbique (centre des émotions) se font très mal chez les TSA.)
  • Un caractère systématique et développemental
  • Une approche réaliste (même si c’est parfois de longue haleine)
  • Un programme précis (j’insiste sur ce point !!!)

Selon Gutstein, les parents doivent être les premiers guides de l’enfant comme c’est le cas chez les enfants neurotypiques. Selon lui, pour travailler le noyau déficitaire de l’enfant, on a besoin des parents et non des professionnels (mais euh …). Il serait également préférable idéalement que ceci soit travaillé avant l’apparition du langage verbal, comme c’est le cas chez tous les enfants.

Outils utilisés dans le RDI :

L’Ados, le RDA, et le RDQ. Ce dernier permet l’observation de l’enfant pour évaluer son développement relationnel. Le VB mapp nous permet de constater que des enfants ayant un « niveau 3 » n’ont cependant pas atteint le « niveau social 1 » d’un enfant de 18 mois ! Souvent car les professionnels ne savent pas le travailler, sauf en plaqué.

Steven Gutstein travaille sur trois niveaux :

Niveau 1 : Novice Niveau 2 : Apprentice Niveau 3 : Challenger
Attend Variation Collaboration
Reference Transformation Improvisation
Regulate Synchronisation Co-Creation
Coordinate Duets Running Mates

 

Regardons par exemple le niveau 1 :

Niveau 1 : Novice
Prérequis pour faire partie de notre monde ; à ce stade on attend juste de l’enfant qu’il se centre sur l’adulte, qu’il s’y intéresse. On développe le «Social Referencing».
– attente – référence – réguler – coordonner

La co-régulation est une clef pour la conversation : on échange sans mot au début : c’est ton tour, mon tour, ton tour, puis on laisse l’autre si il a commencé un geste (ou une phrase), on l’aide si il est en difficulté, il pose une question, on y répond, on en pose une autre, etc., .. Toutes les interactions sociales sont en balance comme ça avec une attention conjointe et un partage dans la réciprocité.

 

 

La Communication non verbale 

Tout d’abord, pour beaucoup de nos enfants, il faut d’abord développer le regard et l’attention continue. L’enfant regarde peu les visages, peu les gestes et/ ou pas longtemps. Il ne les identifie pas comme pouvant être des formes de communication. Il prête attention en revanche aux sons et aux consignes verbales : le canal auditif est très prioritaire. En conséquence, il loupe beaucoup d’indices interactionnels. On va dans ce cas travailler cette compétence de CnV.

On va développer la communication non verbale (CnV) de l’enfant : apprendre à lire la sienne et qu’il comprenne la nôtre.

  • Pour qu’il regarde nos gestes et mimiques
  • Pour qu’il focuse sur nous : les adultes ou ses pairs
  • Pour lui apprendre à mieux utiliser lui-même la CnV et à mieux se faire comprendre
  • Pour l’aider à comprendre les émotions et la théorie de l’esprit
  • Pour créer une situation d’échange et d’interaction plus calme, …

Voici des idées de jeux avec la CnV, (globalement, on peut faire les activités de d’habitude mais sans parler) :

  • 3 gobelets opaques, un smarties désigné par un regard
  • 3 gobelets de différentes couleurs, on regarde le gobelet dans lequel elle doit attraper la balle
  • Assis sur une chaise, le parent fait oui /non de la tête et l’enfant peut courir pour que le parent le lance dans le canapé ou le serre dans les bras
  • Jouer à « chaud-froid » mais avec des expressions du visage
  • Sauter ensemble d’une table basse en se donnant la main
  • On cache des chips avec un des parents et l’autre revient et l’enfant doit le guider pour retrouver les chips pour les donner.
  • Etc, …

Lorsqu’un enfant utilise sa communication non verbale, on va « le soutenir » en utilisant le langage déclaratif.

        Ex : l’enfant tend le pied pour qu’on lui masse, on va dire « ahhhh, je vois que tu veux que je te masse le pied ! » plutôt que d’exiger de lui une demande du type : « dis : « masse-moi ! » ». On présuppose alors que le langage verbal viendra tout seul, de façon plus adaptée et moins « plaqué ».

 

Les activités ou tâches à proposer, dites « tâches authentiques » :

Ce qui est important est d’avoir conscience que l’activité à partager n’est que le support de travail, et n’est en rien la cible. Par exemple, quand on décide de « mettre le linge sale dans le tambour de la machine à laver », l’objectif n’est pas qu’il sache faire ça, mais de partager (le plaisir ;-)) de se passer du linge de la main à la main, la joie d’aider l’autre à tirer le tiroir de lessive si il a une main prise par le bidon et l’autre par le bouchon, etc, …

Je pense donc que toutes les activités peuvent être faites ‘en RDI’, sous peine qu’on réfléchisse à comment les organiser pour favoriser cet échange. En RDI, on aime utiliser les ‘tâches authentiques’, c’est-à-dire, les tâches quotidiennes qui sont de « vraies » activités.

Comment choisir la tâche au tout début?

S.Gutstein remarque qu’il existe un type d’enseignement parents-enfant bien spécifique dans toutes les civilisations : c’est une relation d’apprentissage qu’il appelle : « participation guidée » (qui favorise les réseaux neuronaux dynamiques). Il oppose cela à « l’instruction » qui est une association de neurones avec des stimuli externes obtenue, quant à elle, par répétitions.

Le guide va donc devoir PREPARER des situations propices à l’apprenti afin d’offrir un défi cognitif qui soit juste un tout petit peu supérieur au niveau actuel de l’apprenti.

Il faut planifier dès le départ, on n’improvise jamais. On fixe une activité :

  • qui soit sympa pour l’enfant … et pour soi ! (L’enfant aime tomber sur le lit ? Rouler par terre ? Lancer des objets ?,…)
  • pour laquelle on fixera un cadre précis
  • qui soit au départ sans objet (jeux physiques par exemple). On peut utiliser un objet si le but n’est pas de l’obtenir mais bien de le partager (ex : une tablette VS un ballon)
  • si possible dans une pièce peu encombrée
  • qui soit très courte (3 mn max)

Pour trouver des idées, on peut regarder ce que fait l’enfant quand il ne reçoit pas de consigne, regarder ce qu’il fait avec ses jouets et apporter « un plus » à son activité. Ne pas lui demander « tu veux ça ? » car il risque de ne pas comprendre et le reprendre en échoïque.

Pendant l’activité, il faut :

  • donner à chacun un rôle, qui sera fixe au début
  • ne pas utiliser de communication verbale : on fait des gestes
  • attendre et ralentir

Le Langage déclaratif

En RDI, on travaille beaucoup le langage déclaratif

Cela permet :

  • De donner l’exemple de comment parler
  • Ça invite à faire, à participer, à parler sans contraindre
  • Ça pose le problème mais ça ne donne pas la solution
  • Ça favorise l’autonomie
  • On n’attend pas de réponse spécifique, ‘tout est possible’.
  • Ça aide à partager les pensées et les émotions aussi
  • Le but est de faire des commentaires plutôt que des consignes
  • Ecrire un journal

Donc, en langage déclaratif,  on :

  •  Fait des commentaires
  • Partage nos idées
  • Ne donne jamais de consigne
  • Ne pose jamais de questions , qui de fait  forcent et orientent !
  • Parle lentement avec peu de mots et des mots choisis
  • On n’attend aucune réponse particulière

 

Voici quelques exemples en ‘mode déclaratif’ ou en ‘mode ABA’ :

Lgg déclaratif – « En RDI », on dira : Cela favorisera … « En A.B.A. »: on donnerait plutôt une consigne :
« Tiens, Tonton John est là » une réponse ‘ouverte’ de l’enfant « dis bonjour à Tonton John »
« j’ai faim » interprétation de la condition de l’autre « donne-moi du pain »
« je n’y arrive pas » liberté de venir aider ou non « viens m’aider ».

 

Conclusion :

ABA et RDI s’opposent-ils ? Non.
Car les principes de l’ABA sont « universels et scientifiques » (un comportement renforcé augmente et inversement tout comme une pomme tombe si on la lâche en l’air !)
Cependant, ça peut effectivement être opposé dans l’application que l’on fait de l’ABA stricto sensus (exemple l’utilisation des jetons comme médiation de renfo). Auquel cas je dis « on va se la faire plus en mode ABA / en mode RDI ».

Clairement, ce qui a le plus impacté sur ma pratique c’est le fait de ralentir et attendre ! pour moi qui suis très speede, j’ai dû conscientiser le fait d’attendre car ce n’était / est pas (encore) automatisé. La seconde chose est que je me force à prévoir mentalement, dans chaque séance, des activités ou procédures qui invitent à développer la spontanéité, l’initiative et l’imaginaire …. 

Comme pour les autres enseignements, tout dépend de ce que l’on travaille précisément : avec une balle on peut travailler le fait d’apprendre à lancer un objet avec les compétences motrices, oculaires, proprioceptives, etc,.. que ça mobilisent, mais également, d’apprendre tout simplement que la lancer à l’autre peut être un plaisir, qu’on peut faire courir l’autre après la balle, etc, .. et que l’interaction en soi est renforçante parce qu’elle est faite avec l’autre.

Je pense réellement qu’il faut entretenir les deux car les deux sont nécessaires dans la vie : dans le montage des enseignements mais également dans la vie de tous les jours. Electron libre mais pas trop … initiative et spontanéité mais compliance et partage.

 

Si vous cherchez des activités autour des tâches authentiques, des compétences pour la vie quotidienne, vous pouvez aller lire cet article  ici.

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